44h de jeu en un peu plus d’une semaine, ça ne m’était pas arrivé depuis des années. Oui, ce controversé FFXII m’a foutu une sacrée claque. Attention, je ne dis pas que le dernier Square-Enix est parfait, mais il correspond totalement à ce que je désirais : du jeu, du jeu et encore du jeu. Quoique non, il va bien au-delà.
Première réjouissance, l’aspect artistique qui est juste excellent. Les influences orientales significatives du commencement dépaysent. Le climat est chaud, très chaud, et les habitants sont habillés en fonction. Les dunes s’étendent à perte de vue. On se ballade dans des rues bondées et lumineuses, toutes en teintes chaleureuses, on visite des sous-sols glauques, on fouille les souks à la recherche de la bonne affaire… Le rendu tranche radicalement avec nos habitudes. Et ce n’est qu’un début, il faut jouer quelques heures et se rendre sur le continent de Kerwon pour commencer à saisir la diversité des influences, dont la tribu indienne des Garifs, le lyrique village des Viéras et les nobles temples de Bur Omisace et Miliam se font les dignes représentants.
Au chara design, Yoshida fait mouche. Ashe, Balthier, Fran et Basch sont beaux comme des camions. Bien loin des errements vestimentaires et capillaires des créations Nomuriennes, ils paraissent mûrs, adultes. Les Juges ont globalement fière allure. Larsa tue tout : en quelques échanges et expressions, on saisit tout le paradoxe de ce personnage, à la fois messager de l’empire despotique et espoir d’un avenir meilleur, accablé par des responsabilités énormes tout en étant attiré par des plaisirs simples (ce que révèlent ses quelques scènes avec Vaan et Penelo)… Brillant. Son frangin, Vayne, en dépit de sa coupe à la Calogéro époque Charts, ne me pose pas de souci particulier, d’autant plus que certains passages orgiaques démontrent son machiavélisme sans limite. Sans marquer les esprits outre mesure, il en impose déjà plus que l’autre travelo de SEYMOUR. Même Vaan, dont j’abhorrais au départ le look d’Aladdin métrosexuel niais, s'avère au final attachant et tout sauf creux. Seul bémol : Penelo qui, bien que touchante, reste trop effacée. En plus ses frusques sont moches.
L’aspect technique calme. Premier choc et de taille, Rabanastre est énorme, à tout point de vue. Que de monde ! Des NPC en pagaille, partout, dans tous les coins, qui discutent, flânent, hèlent le chaland, prennent un pot au bistro... Chacun vaque à ses occupations diverses et variées. La cité vit. Tout cela, marié à la dimension pharaonique des lieux, donnerait le tournis au plus blasé des joueurs. Idem pour la ravissante cité céleste de Bujherba, dans une moindre mesure. On se perd facilement. Si on prend vite ses marques, l’effet est au départ saisissant. Fort heureusement, on trouve également de multiples villages et autres campements à dimension plus humaine.
Deuxième claque lorsque l’on pose un pied hors des murs de la capitale. Gigantesques, naturels et arborant des reliefs et éléments variés (végétation, ruines…), les paysages laissent sur le cul. Ce n'est pas comme s'ils étaient immenses mais vides et monotones, loin de là même. La distance d’affichage est impressionnante. Wow. Et là, le joueur allergique à la linéarité excessive crie au miracle : on est vraiment libre d’aller et venir comme bon nous semble. Les régions sont reliées entre elles par de nombreuses voies. Ouf, l’univers-couloir au décors en carton-pâte à la FFX, synonyme d’ennui et de crédibilité frisant le zéro absolu, est bien loin. La leçon a été visiblement retenue, et le reste suit avec brio. Les effets spéciaux éblouissent, notamment les changements météo (neige, pluie, brouillard, poussière, tempête de sable et ciel variable à clef), les somptueuses magies, la magnifique représentation de l’élément aquatique sous toutes ses formes (et les reflets qui vont bien), les fringues et cheveux qui flottent au gré du vent… Et encore, je n’ai pas parlé de la modélisation d’enfer, des visages criant de vérité, des intérieurs à l’architecture hyper détaillées et aux couleurs chaudes... Autre soulagement, les cinématiques sont utilisées à meilleur escient que d’habitude (au hasard total – AHEM – dans le très bavard FFX) : on y a recourt surtout pour nous présenter un lieu nouveau ou un évènement réellement important. Finies les inutiles et redondantes apartés de dix minutes narrant avec force détails et dialogues à rallonge les joies du sifflement, du blitzball ou, souvenir plus lointain, le sauvetage d’une pauvre gourde partie se paumer dans le vide intersidéral (passage tellement LONG et MOU qu’il en est devenu cu-culte)... Ce dosage homéopathique fait qu’on les apprécie d'autant plus.
- Le système de combat : tout simplement génial, le rythme de l'aventure n'est pas cassé à longueur de temps […] et là, tout s'enchaine avec fluidité, la prise en main est d'une ergonomie infaillible et permet une grande liberté. Le système de gestion est pas mal du tout non plus, les Gambits nous obligent à passer beaucoup de temps dessus, mais le système de permis à ses petits défauts
Pas mieux. Les combats, fluides, riches et dynamiques, donnent un gros coup de pied dans la fourmilière en reniant la mécanique bien huilée de la série. Gonflé mais finalement fort surprenant et plaisant. Dans un autre style, FFX était déjà bien chouette à ce niveau, FFX-2 également mais encore une fois on gagne ici considérablement en immersion. J'adore les gambits : avec un peu d'imagination et d'argent, on monte des stratégies vraiment intéressantes.
Par contre tu as raison de souligner la faiblesse du système des permis. Je m'imaginais pouvoir orienter mes persos comme je le voulais... ça n'est vrai que dans un premier temps. On en vient vite à donner grosso modo les mêmes compétences à toute la team, que ce soit à cause du gain ultra-aisé de points de permis ou de la disposition peu pertinente des cases. L’avancée à l’aveuglette n’arrange rien…
Bilan : excellents combats, qui bousculent les habitudes, mais une gestion des persos largement perfectible (au-delà de FFIX tout de même, mais en deçà du VIII - da must -).
FFXII bénéficie d'une traduction parfaite et riche.
Mais grave, quelle traduction ! Les niveaux de langage sont parfaitement respectés. A tel point que parfois, lorsque les juges ou les aristos causent entre eux, je pige pas tous les mots.
- La grandeur ! FFXII est IMMENSE NOM D'UNE PIPE ! Celui qui veut le finir à 100% en a pour son argent car le jeu est incroyablement vaste et suffisamment varié pour que l'on est envie de le parcourir de fond en comble. De plus les quêtes annexes sont légions donc FFXII est en béton donc aucun reproche à ce niveau-là.
Je te quote à nouveau car tu traduis à merveille mes pensées ! Sauf qu'en quarante heures de jeu, je n'ai pas pu m'empêcher de faire au moins dix heures de chasse : le système est kiffant au possible et permet de remplir sa bourse aisément. C’est aussi un moyen agréable de faire du level up sans s’en rendre compte, en explorant des zones parfois survolées lors de notre premier passage. Comble du luxe, la structure relativement peu dirigiste du soft nous permet de s'y adonner sans retenue dans les plus brefs délais. De plus, il y en a pour tous les niveaux.
Le monde est immense, en effet. C’est même à mon sens le seul FF PS2 qui parvient à retranscrire correctement cette sensation typique des opus PSone et antérieurs, celle d’évoluer dans un monde vaste et cohérent. FFX était une vraie blague à ce niveau-là, avec son univers ridiculement linéaire et ses "niveaux" étriqués. Je reprocherais peut-être une prédominance des environnements désertiques en début d'aventure, même si le contexte géographique et l’influence arabisante la justifient sans mal. Fort heureusement, la variété est de mise par la suite : forêts sombres ou bucoliques, grottes sordides, plaines arides ou accueillantes, cimes enneigées, plages ensoleillées (magnifiques près d’Archadia), ruines mystérieuses... Certaines zones sont carrément abusées : la Mer de Sable, par exemple. J'ai du mettre deux bonnes heures à la traverser. Enfin, on compte pas mal d’armes à récup’ et on est pas obligé de TOUT visiter non plus. Et surtout, ça renforce le côté épique et périlleux de l'entreprise. On se sent vraiment minuscule par rapport aux éléments, comme coupé du monde, à des kilomètres de toute civilisation... Immersion totale dans un Jagd, quoi ! On ajoutera que les cristaux de téléportation dispatchés à bon escient évitent de sombrer dans des aller-retour lourdingues.
Pour l’heure, le scénario ne me déçoit pas. Très politisé, il est loin de la dramaturgie d’un FFVI ou VII mais réserve son lot de surprises. Je sors de FFIII DS, faut dire, donc j’ai pris l’habitude des récits concis mais efficaces. Disons que l’histoire n’est pas très originale mais compte tout de même quelques passages exaltants. Sans être faible, elle n’est pas écrasante comme dans les opus PSone ou FFX. Pas ou peu de prédigéré : c’est au joueur d’observer les expressions et attitudes des protagonistes, plus parlantes que bien des discours. Ceci s’explique par le fait que l’accent est carrément mis sur le gameplay et l’immersion dans un univers. C’est ainsi qu’une foule d’informations complémentaires attend le curieux chez les innombrables NPC. Par exemple lors de nos premiers pas, on apprend que Vaan a perdu son frère à la guerre. C’est triste, mais plutôt que de nous bassiner pendant vingt bonnes minutes de cinématiques lacrymales comme l’auraient fait Tidusse & Friends, on se contente d’une courte scène qui veut tout dire. C’est en causant avec les amis du défunt croisés au hasard de nos pérégrinations dans les rues de la capitale de Dalmasca que l’on apprend des détails. C’est con, mais j’ai trouvé ces quelques échanges textuels bien plus immersif qu’une longue scène précalculée. En ce sens SE a gagné son pari : on est littéralement happé dans Ivalice.
Maintenant, je comprends tout à fait que les amateurs de fresques épiques où les événements s’enchaînent à cent à l’heure soient déçus. Il faut juste prendre ce FF comme l’anti-FFX. Là où ce dernier misait tout sur un scénario puissant, des psychologies travaillées et une narration omniprésente voire castratrice, FFXII grille toutes ses cartouches sur son background et la liberté qu’il offre. Un exemple con, encore une fois. Dans FFX, on croise quelques races différentes des humains : les Ronsos de Gagazet, les Hypellos du Selenos… Cool, sauf que l’on ne nous apprend absolument rien sur leurs origines, leurs us et coutumes… Dans FFXII, tout est expliqué, on sent qu’Ivalice a une Histoire. Il s’est passé bien des choses avant notre arrivée et il s’en passera bien d’autres après notre passage. Dans le bestiaire, on a accès à des pavés traitant des origines des diverses espèces qui peuplent Ivalice ; même celles des bestioles humanoïdes qui nous harcèlent sans relâche dans la Mer de Sable, c’est dire le souci du détail. C’est un exemple bête, mais il résume bien la philosophie du jeu.
J'y trouve donc largement mon compte, car voilà un FF où on passe plus de temps à jouer qu'à poser la manette. Cependant, je conçois que la mise en retrait de l'histoire exaspère les fans tant elle tranche avec les standards mis en place par la saga elle-même. Etait-il possible de maintenir un scénario de haute volée en offrant une telle liberté ? Peut-être bien, et c'est sans doute ce qui empêchera cet épisode de rejoindre le club très fermé des RPG cultes.